Vertières
- projetstationligne
- 19 nov.
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Dernière mise à jour : 22 nov.
Rédigé par Thomas Callegher
Vertières, la nouvelle station de la ligne bleue, située à l’angle de Pie-IX et Jean-Talon, est nommée en hommage à la bataille du même nom, livrée en 1803 à Haïti.
Comme l’indique la STM, « ce nom constitue un geste de reconnaissance à l’égard de la communauté haïtienne, qui s’est établie depuis plusieurs décennies dans le quartier Saint-Michel ».

Mais Vertières, avant d’être un nom de station, est le lieu d’une victoire historique. Le 18 novembre 1803, les troupes haïtiennes, menées par Jean-Jacques Dessalines et François Capois, l’emportent sur les forces napoléoniennes du général Donatien de Rochambeau, envoyées pour rétablir l’esclavage dans « la perle des Antilles ». Cette victoire met fin à plus de dix ans de guerre et mène à la naissance d’Haïti, première république noire indépendante du monde moderne.

À la fin du XVIIIᵉ siècle, la colonie française de Saint-Domingue est la plus riche du monde atlantique, « une véritable usine à sucre ». Ses immenses plantations font la fortune de la métropole, au prix d’un système esclavagiste imposé à plus de 500 000 esclaves africains. Ce déséquilibre social, dominé par 30 000 colons blancs et 40 000 affranchis de couleur, rendait la révolte inévitable.
En août 1791, les esclaves de Saint-Domingue, inspirés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de la Révolution française, se soulèvent : les plantations brûlent, les maîtres fuient. Sous la direction de Toussaint Louverture, puis de Dessalines, la révolte se transforme en guerre d’indépendance.

Mais en 1802, Napoléon Bonaparte envoie une grande expédition pour rétablir l’ordre colonial. Toussaint Louverture, trahi sous prétexte de négociation, est arrêté et déporté en France, où il meurt au fort de Joux. Avant son départ, il aurait déclaré :
« En me renversant, on n’a abattu que le tronc de l’arbre de la liberté ; il repoussera, car ses racines sont profondes et nombreuses. »
Son pressentiment se réalise : Dessalines reprend la lutte. En novembre 1803, les troupes françaises, affaiblies par la fièvre jaune et la guérilla, se retranchent dans le fort de Vertières, au nord de l’île. Sous une pluie battante, les insurgés parviennent à prendre le fort, malgré l’artillerie avancée, menant à la capitulation de Rochambeau.
Ainsi, le 1ᵉʳ janvier 1804, Dessalines proclame la naissance d’Haïti !

Cette victoire, pourtant majeure, a longtemps été effacée de la mémoire française. L’historien Marcel Dorigny note que la bataille de Vertières est absente des récits napoléoniens, révélant le malaise d’un empire incapable d’assumer une défaite infligée par d’anciens esclaves.
La France ne reconnaît l’indépendance d’Haïti qu’en 1825, à condition que le pays verse une lourde indemnité aux anciens colons. Ce fardeau économique pèse sur le pays pendant plus d’un siècle.
Aujourd’hui encore, Vertières demeure un symbole universel de liberté. Chaque 18 novembre, Haïti célèbre cette victoire, et un monument y a été érigé en 1954 sous la présidence de Paul Magloire.

Et comme l’a cité Dany Laferrière, membre de l’Académie française : « Pour la première fois dans l’histoire du monde, un peuple d’esclaves avait vaincu une armée colonisatrice, le premier pays de l’histoire humaine à avoir été fait par d’anciens esclaves. »





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